mercredi 2 janvier 2019

Comment le cerveau apprend en se parlant à lui-même? #ArtificialIntelligence #AI #MachineLearning

Une étude menée par l'Université de Genève publiée dans Neuron révèle que les humains, comme les autres animaux, possèdent une énorme capacité d'apprentissage qui leur permet d'appréhender de nouvelles informations sensorielles afin de maîtriser de nouvelles compétences ou de s'adapter à un environnement en constante évolution. Or, bon nombre des mécanismes qui permettent aux gens d’apprendre restent mal compris. Des neuroscientifiques de l'Université de Genève avaient déjà montré que les mécanismes d'apprentissage synaptiques dans le cortex cérébral dépendaient des informations en retour provenant de régions cérébrales plus profondes. Ils ont maintenant compris comment cette rétroaction déclenche le renforcement synaptique en activant et désactivant des neurones inhibiteurs particuliers. Selon les chercheurs, cette étude constitue non seulement une étape importante dans la compréhension des mécanismes de l’apprentissage perceptuel, mais peut également donner un aperçu des systèmes d’apprentissage informatisés et de l’intelligence artificielle.

Comme le révèlent les chercheurs, le cortex, la région externe la plus large du cerveau, est important pour des fonctions cognitives supérieures, des comportements complexes, la perception et l'apprentissage. À l'arrivée d'un stimulus sensoriel, le cortex traite et filtre ses informations avant de transmettre les aspects les plus pertinents aux autres régions du cerveau. Certaines de ces régions du cerveau, à leur tour, renvoient des informations au cortex. Ces boucles, appelées "systèmes de rétroaction", sont considérées comme essentielles au fonctionnement des réseaux corticaux et à leur adaptation à de nouvelles informations sensorielles. Selon les chercheurs, pour l'apprentissage perceptuel, qui est la capacité améliorée de répondre à un stimulus sensoriel, les circuits neuronaux doivent d'abord évaluer l'importance des informations sensorielles entrantes, puis affiner la manière dont elles sont traitées à l'avenir. Les systèmes de rétroaction confirment dans une certaine mesure que les synapses responsables de la transmission de l'information à d'autres zones du cerveau ont correctement procédé à cette opération

Les chercheurs mentionnent que les moustaches sur le museau d'une souris sont spécialisées dans la détection tactile et jouent un rôle majeur dans la capacité de l'animal à comprendre les aspects de son environnement direct. La partie du cortex qui traite les informations sensorielles des moustaches optimise en permanence ses synapses afin d’apprendre de nouveaux aspects de l’environnement tactile. Par conséquent, il constitue un modèle intéressant pour comprendre le rôle des systèmes de rétroaction dans les mécanismes d'apprentissage synaptiques.

Les chercheurs ont isolé un circuit de rétroaction lié aux moustaches et ont utilisé des électrodes pour mesurer l'activité électrique des neurones du cortex. Ils ont ensuite imité les informations sensorielles en stimulant une partie spécifique du cortex connue pour traiter ces informations, tout en utilisant la lumière pour contrôler le circuit de rétroaction. Comme le soulignent les chercheurs, ce modèle ex vivo leur a permis de contrôler le retour d'information indépendamment de l'entrée sensorielle, ce qui est impossible à faire in vivo. Or, déconnecter l'entrée sensorielle du retour d'information était essentiel pour comprendre comment l'interaction entre les deux conduit au renforcement synaptique

Les chercheurs ont constaté que les deux composants, lorsqu'ils sont déclenchés séparément, activent un large éventail de neurones. Cependant, lorsqu'ils sont activés simultanément, certains neurones diminuent leur activité. Les chercheurs soulignent qu'il est intéressant de noter que les neurones qui sont inhibés lorsque l'entrée sensorielle et le feedback se produisent ensemble inhibent généralement les neurones qui sont importants pour la perception. C'est ce qu'on appelle une inhibition de l'inhibition ou une désinhibition. Ainsi, ces neurones agissent comme une porte pour les informations entrantes, qui sont normalement fermées. Mais lorsque la rétroaction arrive, la porte est ouverte, permettant ainsi aux synapses qui s’occupent des informations sensorielles primaires d’augmenter leur force. Avec cette étude, ils ont pu identifier comment le retour d'informations optimise éventuellement les connexions synaptiques afin de mieux préparer les futures informations entrantes

Maintenant qu’ils ont identifié les neurones impliqués dans ce mécanisme, les chercheurs testeront leurs résultats dans la "vraie vie" pour vérifier si les neurones inhibiteurs se comporteront comme prévu lorsqu'une souris doit apprendre de nouvelles informations sensorielles ou lorsqu'elle découvre de nouveaux aspects de son fonctionnement dans son environnement tactile.

Les chercheurs soulignent, en terminant, que le fait de savoir comment les circuits cérébraux s'optimisent est au cœur des programmes d'apprentissage automatique. En effet, certains spécialistes de l'apprentissage en profondeur tentent d'imiter les circuits cérébraux pour construire des systèmes intelligent artificiels. Ces informations tpourraient être utiles pour l'apprentissage non supervisé, une branche de l'apprentissage automatique qui s'occupe de modèles de circuits capables de s'auto-organiser et d'optimiser le traitement de nouvelles informations. Ceci est important pour la création de programmes de reconnaissance vocale ou faciale efficaces, à titre d'exemple.

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