vendredi 8 novembre 2019

Semaine nationale des proches aidants, et après?

Aujourd'hui se termine la Semaine nationale des proches aidants. Une réflexion s'imposait sur le rôle des proches aidants. On a beaucoup parlé des statistiques concernant le rôle des proches aidants mais on semble oublier une dimension importante, ce qui arrive «après»

Commençons par portrait global de la situation, lorsque les proches aidants sont actifs. Selon les statistiques regroupées par le Regroupement des aidants naturels du Québec, on apprend qu'en 2012, 25% de la population de + de 15 ans est proche aidante (Gouvernement du Canada, 2013). Ce nombre tend à augmenter (Fast, 2015) et est à nuancer puisqu’il n’existe pas de définition sur le rôle. On estime à 15% le nombre de proches aidants ayant moins de 15 ans. (Benjamin Weiss, 2014)

Plus du tiers des proches aidants (35%) consacre plus de 5 heures hebdomadaires à des soins et du soutien, et 10% y fournit plus de 20 heures. (Gouvernement du Canada, 2013). 25,7% des proches aidants prennent soin de 2 personnes et 10,5% de 3 personnes aidées ou plus (Institut de la Statistique du Québec, 2015a).

85% des soins aux ainés sont assurés par des proches aidants selon le MSSS. Par exemple pour une personne nécessitant 22 heures de soins, le proche aidant en assure 16 heures et 30 minutes et le CLSC 45 minutes.(Kempeneers, Battaglini, & Van Pevenage, 2015). Les proches aidants sont confrontés au manque de ressources pour les services à domicile, au temps d’attente pour des places d’hébergement (CHSLD, ressources spécialisées pour enfant handicapé, soins palliatifs) et à la fragmentation des soins (Quesnel-Vallée & Taylor, 2017). En 2012, 26,6% des proches aidants donnent des soins, la plupart au moins une fois par semaine (Institut de la Statistique du Québec, 2015b, 2015c).

Or, on semble oublier une dimension importante, soit les répercussions sur la vie des proches aidants. Bien entendu, on souligne que le niveau d’épuisement chez les proches aidants est très important : 64% des proches aidants ont diminué leurs activités sociales ou de détente, presque 50% ont réduit leur temps avec leur propre conjoint et 34,5% ont changé, annulé leurs vacances ou arrêté d’en prendre(Institut de la Statistique du Québec, 2014). Être proche aidant réduirait de 4 à 8 ans la durée de vie, à cause de l’impact sur le corps du stress vécu dans les proches aidants. (Glaser 2007)

Plus de 57% des proches aidants occupent un emploi (Institut de la Statistique du Québec, 2014). Il existe peu de mesures de conciliation responsabilités d’aidant-travail (ou études)-famille. Réduire les heures de travail entrainerait une perte de revenu d’environ 16 000$/an pour les proches aidants de personnes non ainées (Fast, 2015).

Pour avoir été moi-même proche aidante, de 2001 à 2016, je constate à quel points les proches aidants sont laissés à eux mêmes, surtout «après». Il est naïf de penser que le deuil des proches aidants est semblable au deuil vécu par une personne endeuillée. J'ai réalisé l'absence de sensibilisation et de ressources. Pourtant, cette réalité existe et persiste sur plusieurs années, bien après le départ des patients

Un proche aidant endeuillé ne vit pas seulement le deuil d'une ou des personnes mais aussi de son rôle, de son mode de vie. On parle beaucoup de l'épuisement mais la réalité est malheureusement beaucoup plus sombre. Pour avoir échangé autour de moi, certaines réalités nous frappent

Il est excessivement naïf de penser que le proche aidant reprendra le style de travail qu'Il avait ant. Accompagner un patient, du début de la maladie jusqu'aux soins palliatifs, soit les derniers moments, change une vie, une perception, un regard. Nous ne sommes plus les mêmes personnes

On sort épuisé, certes. Mais on doit également réapprendre à vivre. Notre alimentation tournait autour des restrictions alimentaires des patients. On s'oublie pour le bien-être des patients mais on oublie également qui nous sommes, ce qu'on aime.

Nos activités tournaient autour des rendez-vous, de la pharmacie, des prises de sang et j'en passe. Or, on oublie le mur, le vide qui frappent tout proche aidant après.

Il serait temps qu'on se sensibilise à cette réalité et qu'on offre également le soutien pour la suite.

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