lundi 21 novembre 2016

Chers médecins, cessez de vous auto-flageller




Je pourrais vous dire tout bonnement que je réponds à «Je suis un mauvais médecin», la lettre d’opinion parue dans La Presse du 10 novembre 2016, sous la plume de Dr. André Barnave. Mais je réalise que le problème est beaucoup plus profond. Je suis la petite-fille d’un médecin, d’une lignée de 4 générations de médecin, du côté maternel, pour être plus précise. D’aussi loin que je me rappelle, lors des réunions familiales, la médecine avait bonne presse, ou du moins une bonne opinion auprès de la population en général. Pour des raisons que j’ignore, un fossé semble se creuser entre les attentes des patients et la perception des médecins, un fossé probablement provoqué par une minorité trop bruyante au détriment de la majorité silencieuse. Est-ce la surutilisation des urgences ou des GMF ou même le gain de popularité des médecines alternatives qui ont creusé ce fossé? Je l’ignore et je n’ai nullement l’intention de pointer du doigt qui que ce soit.

Nous sommes tout à fait conscients que vous payez autant que nous le prix des réformes, des coupures budgétaires. Vous devez continuer à remplir votre obligation de moyens avec des ressources de plus en plus limitées, une obligation qui consiste à mettre en œuvre tous les moyens pour parvenir à un résultat. La bachelière en droit que je suis rappelle les sages paroles de Me Hubert Reid, dans son Dictionnaire de droit qui souligne que le médecin n’a, à l’égard de son patient, qu’une obligation de moyens. Il n’est pas tenu de le guérir.

Cette obligation de moyens, j’ai pu moi-même en être témoin au cours des dernières années. J’ai perdu ma mère, puis mon père cet été. Les deux étaient préalablement suivis par un médecin de famille. Ils furent hospitalisés par la suite cet été. Croyez-moi, du regard d'un enfant d'un malade, la vision d'un «bon médecin» est fort différente entre la théorie et la pratique. Les médecins rencontrés m'ont profondément marquée. Mon seul regret, c'est de ne pas avoir pu leur dire. Combien de médecins font un travail remarquable sans avoir la chance de recevoir nos impressions par la suite. Toutes ces années, j’ai senti leur disponibilité et leur écoute face à mes inquiétudes vis-à-vis mes parents. Je garderai toujours en mémoire la scène où l’urgentologue de mon père, sachant que nous venions de perdre notre mère, prend une grande respiration avant de nous annoncer qu’une autre tuile risquait de nous tomber sur la tête. Je n’oublierai jamais le médecin de mon père, au moment où j’assistais à deux reprises à un épisode sérieux de son hospitalisation, venir me voir, m’expliquer ce qui en était et répondre à mes questions.

Un bon médecin ne s’évalue pas de façon quantitative ni même au délai de la salle d’attente mais plutôt par sa disponibilité, sa vulgarisation et son empathie. Aucun des médecins de mes parents, ni même Dr Barnave à la lecture de sa lettre, ne semblent avoir échoué. Soyez sans crainte chers médecins, la majorité silencieuse dont je fais partie est tout à fait consciente de votre réalité. Votre obligation de moyens est amplement rencontrée.

Merci, en terminant, au personnel de l'Hôpital Charles-LeMoyne qui m'a inspiré ce blog. Vous avez non seulement prodigué de bons soins à mes parents mais vos talents de vulgarisation ont réussi à me réconcilier avec les sciences au point d'adhérer à l'Association des communicateurs scientifiques du Québec.

Natalie Gauthier
En mémoire de Marthe Leduc et de Marcel Gauthier

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